Gunther
Martens: Beobachtungen der Moderne in Hermann Brochs Die Schlafwandler und Robert Musils Der Mann ohne Eigenschaften. Rhetorische und narratologische Aspekte von Interdiskursivität München:
Wilhelm Fink Verlag (Musil-Studien; vol. 35). 344pp.
L'auteur tient a remercier vivement Vincent Ferré pour son aide avec la traduction:
Broch et Musil ont activement réfléchi et théorisé leurs propres écrits. Leurs propres poétiques et épistémologies sceptiques ont longtemps mené à supposer que leurs romans suppriment et décomposent la narrativité au profit d'un discours essayiste et réflexif, plutôt que littéraire et narratif. La présente étude montre que les réflexions et commentaires (souvent dits "importuns" et gênants la liberté du lecteur) font partie d'un discours méta-narratif extensif qui est plus intégré à la fiction que le laissent supposer de nombreuses études philosophiques et théoriques.
A l'aide de la rhétorique et de la narratologie, l'analyse montre comment la narration, de nature digressive, sert le développement d'une épistémologie particulièrement littéraire qui peut être étudiée comme une forme de configuration de la réception, par le narrateur, à l'avance: Broch et Musil font un usage fréquent de la "focalisation hypothétique" (David Herman) et d'autres formes de sur-information à visée ironique et (auto)critique.
Afin de pouvoir analyser ce style narratif comme une esthétique alternative, le concept du discours auctoriel doit être réévalué et dépourvu des associations très répandues d'autorité et de pouvoir : son aspect plutôt coopératif est approché à travers les positions divergentes de Roland Barthes et de Wolfgang Iser et puis examiné dans ses différentes réalisations: Chez Broch, la narration prise en charge par des points de vue divers (tu, on et nous) est souvent menacée par les idiosyncrasies des perspectives limitées des caractères. D'autres tactiques de décomposition narrative confirment la proposition que l'écriture de Broch présente une théorie de la modernité plutôt classique dans une mise en forme expérimentale, révélatrice d'une affinité parfois suprenante avec André Gide. Chez Musil, l'analyse démontre une critique rhétorique de l'utilisation du langage plus élémentaire et inspirée de Karl Kraus.
La classification des romans modernistes comme interdiscursifs ne concerne pas seulement le fait qu'ils se situent au carrefour des discours (de littérature, de science et philosophie). Dans le sens donné par J. Link à ce concept, le travail interdiscursif vise à partager des savoirs specialisés par les moyens de la langue et de la figuration. Dans les textes de présentation auctoriale (avec anticipation, distantiation, itérativité, portraîts sommaires des caractères et présentation indirecte des dialogues ....), ce processus d'interdiscursivité peut être situé au niveau des gestes et des échanges symboliques qui échappent à la conscience ou à l'attention des caractères, mais qui sont néanmoins décrits avec une grande densité et explicité. L'analyse de cette interdiscursivité nécessite une enquête stylistique qui poursuit - entre autres - l'étude narratologique que Dorrit Cohn a consacrée à Hermann Broch (en 1966).
L'investigation permet de finalement lier les structures narratives et rhétoriques aux différentes conceptions et théorisations de la modernité que Broch et Musil proposent. Leur hésitation entre l'observation de la modernité comme perte et comme risque témoigne d'une critique de l'idéologie.
L'étude (parue en allemand) s'adresse à ceux qui s'intéressent à la théorie littéraire et aux études littéraires (narratologie, rhétorique, sociocritique, stylistique...), mais aussi à la philosophie et à la sociologie.
L'auteur: Dr. Gunther Martens est Chargé de Recherches du Fonds de la Recherche Scientifique - Flandre (FWO - Vlaanderen) et membre du Département d'Allemand de l'Université de Gand (Belgique). Il a fait paraître notamment le recueil Musil anders. Neue Erkundungen eines Autors zwischen den Diskursen (avec Clemens Ruthner et Jaak De Vos. Bern: Peter Lang, 2005) et d'autres publications sur les littératures allemandes (Musil, Broch, Karl Kraus, Elfriede Jelinek, Heinrich Heine, ...), et sur la narratologie et sur les relations entre littérature et éthique, ..
References
Martens, Gunther:
“Spielräume des auktorialen Diskurses in Hermann Brochs Eine methodologische
Novelle”, in: Orbis Litterarum 59:4 (2004), S. 239-269.
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